Terrain ethnographique, production de données – 01.21 / 03.21
Camille Riverti et Florian Houssais
description du terrain à venir
Le projet Lettre à un jeune historien :
Pendant trois mois (de janvier à mars 2021), Florian Houssais et Camille Riverti ont suivi l’artiste Gérard Hauray, arpenter l’ex-région Poitou-Charentes à la rencontre des élèves des lycées agricoles. Son voyage, qui s’inscrit dans un projet pédagogique, a pris la forme d’une exposition itinérante. Notre travail pour ce projet est d’interroger la manière dont on documente le travail d’un artiste et plus largement, l’activité de création. De quoi ont besoin historiens et anthropologues pour produire du savoir sur l’art ? Quelle est la matière nécessaire pour rendre lisible et visible les phénomènes de création ? Ainsi en tant qu’artistes et chercheurs, on se situe dans une approche à la fois ethnographique, historique et critique.
Partenaire du projet : le cdla (St Yrieix) / la Fanzinothèque (Poitiers) / l’ENSBA Limoges / le réseau des enseignants d’ESC ex-région Poitou-Charentes / Rurart
Projet réalisé avec le soutien du réseau Astre, de la région Nouvelle-Aquitaine et de la DRAC Nouvelle-Aquitaine
De la tête à l’épaule (documentaire) – déc. 2019 – 27′
réalisation Arione Leystere & Florian Houssais
Collecter, classer, agencer
L’objet de ce film est d’écouter Marion nous raconter a posteriori et par l’exemple, la fabrication des pièces d’une de ses séries, les Parrot devotees. Les Parrot devotees, qui sont des broches d’épaule, sont faites des plumes naturelles des oiseaux de la basse-cour : dindes, perdrix, pigeons, faisans, canards, poulets, oies, pintades et cailles. Le sertissage est fait d’argent et de fils d’acier, la coque est en pulpe de papier de riz. Marion récupère elle-même les têtes d’oiseaux auprès de fermiers et de chasseurs pour ensuite tanner le cuir, et récupérer, classer et préparer les plumes, qu’elle colle une à une sur le support qu’elle a également préparé.
Le film a été tourné en deux temps. Dans la première séquence, en novembre 2018, Marion, assise à sa table de travail, décrit le processus de fabrication de ses pièces. Dans la seconde, quasiment un an plus tard, après avoir vu la première séquence, elle précise des informations contextuelles. La pièce dont elle nous parle dans la première séquence, est à l’époque, sa dernière série.
Ce travaille documentaire s’inscrit dans une réflexion plus large autour de l’exposition de l’activité de création, initié dans le cadre du centre d’art le Passager. Sans être à proprement parler un travail anthropologique ou sociologique, il cohabite malgré tout dans cet imaginaire, plus précisément dans la lignée de l’anthropologie visuelle.
Là où, dans des films ultérieurs, nous avons mis l’accent sur l’observation du déroulement de l’activité en lui-même, il s’agissait ici, de mettre en avant la réflexivité par le discours et le commentaire produit a posteriori.
POUR EN SAVOIR PLUS
Au cours de l’entretien, Marion fait référence à la plumasserie aztèque, inca et chinoise et notamment à trois livres : – Sur le cloisonné incrusté de plumes de martins-pêcheurs, le livre de Beverley Jackson : Kingfisher Blue: Treasures of an Ancient Chinese Art, 2001. – Sur la micro-plumasserie aztèque : Images Take Flight: Feather Art in Mexico and Europe 1400-1700, 2014, de Gerhard Wolf et Alessandra Russo – Sur la plumasserie inca : Peruvian Featherworks – Art of the Precolumbian Era, 2012, de Heidi King, Mercedes Delgado, Mary Frame, Christine Giuntini, Johan Reinhard, Pollard Rowe, Ann, Santiago Uceda
Séminaire du 17 nov. 2018 (1ère partie), rue des Grands champs à Paris. Exposé de Florian Houssais
Quelques éléments pour une pratique artistique indifférenciée
Florian Houssais revient sur la pratique des dîners et des séjours qu’il mène avec Manuel Houssais (et qu’ils ont initiée avec Freddy Guedot) depuis une dizaine d’années. Ce retour sur cet aspect de leur pratique vient alimenter un questionnement plus large sur l’héritage des pratiques conceptuelles des années 60 dans les pratiques contemporaines.
Le point de départ de cette séance sera le suivant : les pratiques dites informelles, indifférenciées, indiscernables, sans œuvre, etc, se sont constituées dans le courant du XXe siècle en partie contre l’objet d’art, dans un imaginaire de l’antiforme qui privilégie l’attitude, le geste. Une fois passée la dimension exploratoire et l’attrait de la nouveauté de ces propositions / œuvres / pratiques, que faisons-nous de cet héritage ? Comment reprenons-nous aujourd’hui à notre compte, ces questionnements ?
A/ On retiendra de ces pratiques : – L’idée qu’un artiste puisse ne pas fabriquer d’objet d’art. – L’idée qu’un artiste puisse avoir une pratique discrète, silencieuse, inframince pour reprendre une expression consacrée. – L’idée qu’on puisse consacrer son attention sur des attitudes et des gestes, bref, sur des actions, des situations, sur le cours des choses.
B/ On ne retiendra pas de ces pratiques : – L’idée que l’œuvre se réduise à un artefact. – Le rapport (faussement) frontal avec les autres acteurs du champ de l’art et de la création. – L’idée qu’un artiste sans œuvre, ou qu’une pratique immatérielle, soit réellement possible. – L’idée que postuler « c’est de l’art » suffise à faire une œuvre.
C/ On proposera : – D’imaginer l’art avec comme point de pivot l’activité de création, plutôt que l’œuvre d’art, sans pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain. On peut centrer le dispositif autour de l’activité de création, sans pour autant dénier et donc évacuer la question des objets et artefacts présents, produits, montrés et de leurs valeurs. – De reconnaître, d’accepter et de développer l’idée que les lieux qui montrent l’art sont, au sens fort du terme, des lieux de production, dont les auteurs ne sont pas seulement et nécessairement les artistes (exemple : montrer des performances dont la documentation a été commandée ou produite par le musée ou par un acteur autre que l’artiste réalisant la performance. cf le cas du documentaire, cf le cas des écrits sur un artiste ou son activité, cf le cas d’une visite guidée) – De fait, d’imaginer des modes de sortie, autrement dit des expositions, où sont assumées un dialogisme, une polyphonie, au sens fort du terme. – Comme il y a une technique (la négligence en est aussi une) de la peinture ou de la photographie, il y a aussi une technique des pratiques informelles, qu’elle soit explicite ou non aux yeux des artistes.
Ensuite on prendra comme exemple ce workshop dans la montagne, ce séminaire et nos pratiques des séjours et des dîners et on les discutera au regard des propositions énoncées ci-dessus.
REFERENCES & CORRELATS
Partouche Marc, La lignée oubliée: bohèmes, avant-gardes et art contemporain, de 1830 à nos jours, Hermann, 2016. Schaeffer Jean-Marie, L’art de l’âge moderne. L’esthétique et la philosophie de l’art du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Gallimard, 1992 Schaeffer Jean-Marie, Les Célibataires de l’Art. Pour une esthétique sans mythes, Paris, Gallimard, 1996. Goffman Erving (dir), La Mise en scène de la vie quotidienne, t. 1 La Présentation de soi, Éditions de Minuit, coll. « Le Sens Commun », 1973 Chevalier Catherine & Fohr Andreas (dir), Une anthologie de la revue Texte zur Kunst de 1990 à 1998, paru en mars 2011 édition française, Les presses du réel Formis Barbara, Esthétique de la vie ordinaire, 2010 – PUF Glicenstein Jérôme, L’art : une histoire d’expositions, 2009, PUF Poinsot Jean-Marc, Quand l’œuvre a lieu : l’art exposé et ses récits autorisés, Genève : Musée d’art moderne et contemporain ; Villeurbanne : Institut d’art contemporain, 1999 Bovier François & Margel Serge, Happenings & Events – Tulane Drama Review – vol. 10, nº 2, Hiver 1965, paru en novembre 2017 édition française, Les presses du réel Sheringham Michael, Traversées du quotidien. Des surréalistes aux postmodernes, 2013, PUF
Séminaire du passager du 17 nov. 2018 – 2ème partie Exposé de Manuel Houssais
Introduction à l’anthropologie du proche (À partir de l’exemple du rapport entre le langage et la création)
Manuel Houssais nous introduit à l’anthropologie du proche, à partir de l’exemple de son terrain ethnographique dans les écoles des Beaux-arts en France, où il y étudie le langage comme institution. Sa problématique étant la suivante : à quoi sert le langage, quelle est son implication dans la création artistique ?
Il explique en particulier une des méthodes vidéo-ethnographiques qu’il utilise, à savoir l’analyse de conversation, de la filiation de cet outil jusqu’à son utilisation pratique.
REFERENCES & CORRELATS :
Garfinkel Harold, Recherches en ethnométhodologie, Introduction par Michel Barthélémy et Louis Quéré, Paris, PUF, 2007 Molinié Georges, Sémiostylistique. L’Effet de l’art, PUF, 1998.
Atelier des doctorants du LIAS (IMM-EHESS) mardi 20 novembre 2018, vers 19h, 105 bd Raspail Exposé de Florian Houssais
Cet exposé est la suite de l’atelier du 9 avril 2018 (Critique institutionnelle de l’art et physionomie des phénomènes scientifiques), sur l’avancement de la thèse de Florian Houssais. Il y aborde ses doutes quant à la possibilité de transposer les Lectures-performances du Projet Zéro, du champ artistique au champ scientifique.
SYNOPSIS :
Dans ma précédente intervention à l’atelier, en avril dernier, je me suis attaché à inscrire ma pratique artistique et mon travail scientifique sur l’exposition, dans le champ de la critique institutionnelle de l’art. Ce double travail (artistique et scientifique), qui classiquement prend et prendra la forme d’exposés scientifiques, textes, articles et autres travaux scripturaires typiquement universitaires, prend également la forme d’un centre d’art mobile (Le passager). Une de ses premières activités est de proposer des séminaires sur la question de l’exposition de l’activité de création.
On démarrera notre réflexion à partir du Projet Zéro de Nelson Goodman. Le Projet Zéro est un programme de recherche initié en 1968 à Harvard dont la finalité est le progrès des arts à travers une meilleure éducation des artistes, des publics et de l’administration (Goodman). Ce programme s’est construit à partir des principes théoriques développés dans Langages de l’art (Goodman). Aujourd’hui, le programme existe toujours et s’est étendu hors de la question strictement artistique. En ce qui nous concerne, on s’intéressera aux quatre premières années du PZ, les quatre durant lesquelles Goodman l’a dirigé.
On s’intéressera en particulier à la pratique des Lectures-performances. Ce sont des présentations publiques conduites par des artistes professionnels, en collaboration avec l’équipe de recherche dont l’objectif était de fournir des éclaircissements sur les moyens que mobilise un artiste lorsqu’il produit une œuvre d’art.
En partant de ce protocole et des résultats de ces expériences, on transposera ces Lectures-performances dans le champ de la recherche académique pour s’intéresser aux moyens que mobilise un chercheur quand il produit un artefact – un exposé, un article – spécifique à son champ d’activité.
REFERENCES & CORRELATS :
Goodman Nelson, Langages de l’art : Une approche de la théorie des symboles, tr. fr. J. Morizot, Paris, Hachette, 2005 Goodman Nelson, L’Art en théorie et en action, tr. fr. J.-P. Cometti et R. Pouivet, Paris, Gallimard, 2009. Bensa Alban & Pouillon François (dir), Terrains d’écrivains. Littérature et ethnographie, Toulouse, Éd. Anacharsis, 2012, 405 p. Ghasarian Christian (dir), De l’ethnographie à l’anthropologie réflexive, Nouveaux terrains, nouvelles pratiques, nouveaux enjeux, Malesherbes, France : Armand Colin, 2002. Geertz Clifford, Bali : interprétation d’une culture, 1973 – le combat de coqs ——— Harvard – Project Zero